Faut-il avoir joué au football pour devenir un bon éducateur ?
Le débat revient régulièrement dans les clubs de football amateur. Un entraîneur sans passé de joueur peut-il vraiment transmettre ? Qu’en est-il du père qui prend en charge l’équipe U6 faute de mieux, puis suit les enfants jusqu’à l’adolescence ? Et ce jeune sans expérience en senior, peut-il espérer devenir un bon coach ?
La réponse n’est pas celle qu’on attend généralement.
La mythologie du joueur reconverti
Il existe une idée persistante : un bon entraîneur doit d’abord être un bon joueur. C’est séduisant comme pensée. Logique même. Pourtant, c’est faux, ou du moins largement exagéré.
D’abord, il faut comprendre que jouer et entraîner ne mobilisent pas les mêmes compétences. Un excellent joueur possède l’intuition, l’expérience corporelle, la lecture rapide du jeu. Mais un entraîneur doit diagnostiquer, expliquer, adapter, motiver, organiser. Ce sont des métiers différents. Un chirurgien brillant ne ferait pas forcément un bon formateur en chirurgie. Un musicien talentueux n’est pas automatiquement un bon professeur de musique.
Sur les terrains amateurs, on voit souvent d’excellents joueurs devenir des entraîneurs désastreux. Ils savent faire, mais ne savent pas transmettre. Pire encore, ils pensent que ce qui était facile pour eux doit l’être pour les autres. Ils manquent de patience. Ils ne comprennent pas pourquoi un enfant n’exécute pas un geste qu’eux faisaient naturellement.
À l’inverse, certains des meilleurs éducateurs qu’on rencontre dans les clubs n’ont jamais brûlé les planches. Ils ont simplement étudié le jeu, suivi des formations, observé avec attention, et appris à écouter.
🎥 Formations éducateurs (parcours bénévole / pro)
Ce que demande vraiment le métier d’éducateur
Entraîner des enfants ou des jeunes adultes en football amateur, c’est d’abord savoir trois choses.
D’abord, comprendre l’apprentissage. Comment se construit une capacité ? Pourquoi un enfant reproduit-il un geste trois fois et l’oublie la quatrième ? Comment progressent les adolescents ? Ce savoir ne vient pas de ses années de carrière. Il vient de la formation en pédagogie, de la lecture, de l’observation attentive, et surtout de la pratique réfléchie du métier.
Ensuite, savoir communiquer et adapter. Parler à un enfant de six ans ce n’est pas parler à un ado de seize ans. Un entraîneur doit ajuster son ton, ses explications, ses exigences selon l’âge, le niveau, la personnalité. Il doit motiver sans pressurer, corriger sans blesser. Cela aussi, c’est un apprentissage méthodique. Pas un héritage du statut de joueur.
Enfin, connaître le jeu dans sa complexité. Pas seulement savoir y jouer, mais comprendre ses principes, son évolution, ses tactiques. Beaucoup de joueurs « de terrain » ne saisissaient jamais les logiques tactiques parce qu’ils jouaient d’instinct. Un entraîneur doit pouvoir les expliquer, les enseigner, les adapter au niveau de son équipe.
Les trois profils : ce qu’ils apportent et ce qu’ils doivent apprendre
Le joueur de senior reconverti. C’est vrai qu’il a des avantages. Il connaît les pièges, les difficultés techniques, l’intensité physique. Il peut montrer. Il a une légitimité auprès des jeunes. Mais il doit apprendre à pédagogiser son savoir. Beaucoup d’excellents joueurs buttent là-dessus. Ils doivent se former spécifiquement à la transmission, aux différentes étapes du développement, à la patience.
Le jeune sans expérience senior (voire arrêté en U14). Il part de zéro sur la connaissance du jeu professionnel ou haut niveau. Mais il n’a pas non plus les mauvaises habitudes du joueur qui croit que le talent innate suffit. Il doit se former sérieusement, mais il peut devenir un excellent entraîneur parce qu’il n’aura pas les raccourcis mentaux de celui qui « savait jouer ». Une formation solide peut compenser le manque d’expérience compétitive.
Le papa entraîneur par défaut. C’est peut-être le profil le plus fragile au départ. Il n’a aucune légitimité sport, souvent aucune formation. Mais s’il accepte d’apprendre, s’il suit les formations officielles (brevet de moniteur, notamment), il peut devenir un très bon éducateur. Certains des meilleurs entraîneurs amateurs sont d’anciens papas qui ont pris la responsabilité au sérieux. Ils ont investi du temps, des formations, et cela a porté ses fruits.
🎥 Inside BMF : de joueur à éducateur
Ce qui compte vraiment
En football amateur, voici ce qui fait la différence entre un bon entraîneur et un mauvais, au-delà du passé de joueur.
- La volonté d’apprendre. Se former constamment, regarder des vidéos d’entraînement, lire, discuter avec d’autres coachs, assister à des formations. Les meilleurs entraîneurs amateurs sont des gens curieux.
- L’empathie. Capable de se mettre à la place du jeune ou du moins bon, de comprendre ses peurs, ses blocages, d’être encourageant sans être complaisance.
- L’organisation. Savoir préparer une séance, fixer des objectifs, progresser. Beaucoup de très bons joueurs n’avaient jamais besoin d’organisation pour réussir. L’entraîneur, si.
- L’honnêteté. Être capable d’admettre qu’on ne sait pas, plutôt que de prétendre.
- La stabilité. Suivre ses équipes dans la durée, construire progressivement, au lieu de changer de club tous les deux ans pour suivre une trajectoire illusoire.
Le vrai piège : confondre son expérience avec une légitimité à enseigner
Voilà le cœur du débat. Quelqu’un peut avoir joué au football toute sa vie et être un mauvais entraîneur. Quelqu’un d’autre peut n’avoir joué que jusqu’à quatorze ans et devenir excellent. Cela dépend de ce qu’il décide de faire avec ce point de départ.
Le pire entraîneur n’est pas celui qui n’a jamais joué. C’est celui qui pense que son passé de joueur suffit. Qui ne se remet jamais en question. Qui enseigne comme il jouait, sans adapter.
Le meilleur entraîneur est celui qui reconnaît ce qu’il ne sait pas, qui se forme, qui observe les jeunes plutôt que de projeter sur eux son image d’enfant, et qui travaille chaque semaine à progresser dans son métier.
Conclusion : l’expérience n’est pas une condition, c’est un choix
Faut-il avoir joué pour devenir un bon éducateur de football ? Non. C’est un avantage possible, mais ce n’est pas une condition.
En revanche, faut-il vouloir apprendre ? Oui, absolument. Faut-il se former aux méthodes pédagogiques ? Oui. Faut-il rester humble face à la complexité du métier ? Oui.
Les clubs amateurs qui manquent d’éducateurs devraient moins chercher des anciens joueurs et plus investir dans la formation de gens motivés, peu importe leur passé. Un papa qui prend en charge une équipe U6 et suit une bonne formation peut devenir un repère pour ces enfants. Un jeune sans expérience senior qui se forme correctement peut amener une équipe très loin.
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Sources utiles
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